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SCIENCE & VIE - N°1054 - Juillet 2005
ENGLISH TRANSLATION

SCIENCE & VIE - N°1054 - July 2005

Saint Suaire
la Science aveuglée par la passion

par Isabelle Bourdial

LE
SUAIRE ?

une bande
de lin
de 4,36 m
sur 1,10 m

L'image que
révèle le linceul
apparaît inversée:
ce que l'on voit
à sa droite se trouve
en fait à sa gauche,
et vice versa.

La radiodatation lui donne moins de 800 ans (suite)
Pour en avoir le cœur net, en 1988, trois prestigieux laboratoires appartenant au Polvtechnicum de Zurich (Suisse), et aux universités d'Oxford (Royaume-Uni) et de Tucson (Arizona, Etats-Unis) effectuèrent simultanément la datation d'un échantillon du linge funéraire au carbone 14 sous la tutelle du British Museum. Leurs résultats, concordants, furent rendus publics en octobre 1988 et publiés dans la revue Nature, en février 1989. Pour ces laboratoires, le linceul daterait de 1260 à 1390 après Jésus-Christ avec un taux de certitude de 95%. Impossible, donc, qu'il ait servi à envelopper le corps d'un homme il y a deux mille ans.

A priori, voilà qui fermait le dossier. Et pourtant non. Car pour être scientifiquement établies, ces conclusions n'en sont pas moins régulièrement contestées par les « sindonologues » (les partisans de l'authenticité du suaire ont forgé le terme « sindonologie » pour nommer la science qui l'étudie).


La dernière dénégation en date est parue en janvier 2005 dans la revue scientifique Thermochimica Acta, via un article faisant état d'une nouvelle méthode de datation élaborée par Raymond Rogers. Ce chimiste américain, retraité du laboratoire national de Los Alamos de l'université de Californie, est un ex-membre du Sturp (projet de recherche sur le suaire de Turin), célèbre organisation qui regroupa une quarantaine de scientifiques sindonologues de 1976 à 1996, date de sa dissolution.

En possession de prélèvements effectués sur le linge à l'aide de bandes adhésives, mais peut-être aussi d'échantillons faisant partie du tissu prélevé pour la datation, le chercheur estime en effet que ceux-ci proviendraient d'un raccommodage ultérieur de la pièce de lin, ce qui en aurait faussé la datation. A l'appui de cette affirmation, Rogers a comparé le taux de vanilline, un composé chimique présent dans la lignine des fibres de lin, d'une pièce de toile découpée pour la datation de 1988 avec celui de la matière prélevée à l'aide d'adhésifs sur d'autres endroits du drap. Alors que la première est dépourvue de la moindre trace de vanilline, les prélèvements, eux, en possèdent, quoiqu'en quantité inférieure au taux mesuré par Rogers sur des textiles médiévaux. La vanilline, qui se dégrade avec le temps, permettrait, toujours selon l'auteur, d'estimer l'âge d'un support végétal. Or, le fait que l'échantillon « officiel » en soit dépourvu remettrait en cause la fiabilité de cette portion de tissu pour la datation du linceul. Au final, le taux de vanilline mesuré à d'autres endroits de la relique ne correspondrait pas à celui attendu pour une étoffe du Moyen Age, mais refléterait ses deux millénaires d'âge.

« Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on manque de recul pour juger de la viabilité et de la précision de cette toute nouvelle méthode », estime le physicien Patrick Berger, membre du Cercle zététique (la zététique est la science qui étudie - de façon rationnelle - les phénomènes paranormaux). « D'autant que Rogers ne fournit pas dans son article les données sources de sa méthode et son degré d'incertitude. Il se réfère aux travaux d'un de ses collègues, Stanley Kosiewicz, sans citer aucune publication, il compare des prélèvements à des échantillons, donc à des matériaux de nature différente. Et puis, ses équations sont truffées de coquilles. » conclut-il.
Holy Shroud
Science blinded with passion

by Isabelle Bourdial

THE SHROUD ?

a strip
of linen
of 4,36 m
by 1,10 m

The image shown
on the shroud
is reversed:
the body parts
on the right are
in fact on the left,
and vice versa.

The radiodating gives less than 800 years (Cont'd)
To be clear about it, in 1988, three prestigious laboratories belonging to Polytechnicum of Zurich (Swiss), and to the universities of Oxford (the United Kingdom) and Tucson (Arizona, the United States) carried out simultaneously the carbon-14 dating of a sample of the funerary linen under the supervision of British Museum. Their concordant results were made public in October 1988 and published in the Nature magazine, in February 1989. For these laboratories, the shroud would date from 1260 to 1390 A.D with a rate of certainty of 95%.



A priori, the matter seemed closed. And yet not. Because to be scientifically established, these conclusions are not less regularly disputed by the « sindonologists » (the partisans of the authenticity of the shroud invented the term « sindonology » to designate the science who studies it).



The last denial in date has been published in January 2005 in the scientific review the Thermochimica Acta, via an article stating a new method of dating developed by Raymond Rogers. This American chemist, retired from the national laboratory of Los Alamos, University of California, is a ex-member of Sturp (research project on the shroud of Turin), famous organization which gathered forty scientists sindonologists from 1976 to 1996, date of its dissolution.


In possession of microscopic dusts collected on the linen with adhesive tapes, but perhaps also of samples taken on the shroud for the dating, the researcher estimates indeed those would come from a later mending of the linen cloth, which would have distorted the dating measurements. To support this assertion, Rogers compared the rate of vanillin - a chemical compound present in the lignin of linen fibres - of a sample of linen cloth cut out for the dating of 1988 with that of the dusts collected with adhesive tapes on other places of cloth. Whereas this sample has no vanillin trace, the dusts, them, have some, though in quantity lower than the rate measured by Rogers on medieval textiles. The vanillin, which is degraded with time, would allow - always according to the author - to estimate the age of a vegetable support. However, the fact that the « official«  sample has no vanillin trace would re-open the question of the reliability of this sample for the dating of the shroud. In the end, the vanillin rate measured at other places of the relic would not correspond to that awaited for a cloth of the Middle Ages, but would reflect its two millennia of age.


« The least that one can say is we have no benefit of hindsight to judge viability and precision of this very new method", estimates the physicist Patrick Berger, member of the Zetetician Circle (the zetetic is the science which studies - in a rational way - the paranormal phenomena). « Moreover Rogers does not provide in its article the data sources of its method and its degree of uncertainty. It refers to works of one of his colleagues, Stanley Kosiewicz, without quoting any publication, and it compares collected dusts with cloth samples, therefore with materials of different nature. And then, his equations are packed full of errors. » he concludes.

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