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SCIENCE & VIE - N°1054 - Juillet 2005
ENGLISH TRANSLATION

SCIENCE & VIE - N°1054 - July 2005

Saint Suaire
la Science aveuglée par la passion

par Isabelle Bourdial

De simples pigments, pas du sang
Entre temps, d'autres analyses menées par le chimiste Walter McCrone firent pourtant toute la lumière sur ce que contenaient réellement les fibres de lin colorées. A partir de 1980, ce spécialiste de l'ultramicroanalyse publia trois articles scientifiques (notamment dans la revue Microscope) sur le sujet.

Il soumit les échantillons à tout une batterie de tests spécifiques au sang. Tous s'avérèrent négatifs. Il découvrit en revanche, au niveau des parties imagées du suaire (à la fois sur le tracé jaune du corps de l'homme du linceul et sur ses taches de « sang »), des particules d'oxyde de fer, autrement dit de l'ocre rouge, mais aussi des traces d'un autre colorant: du rosé de garance. Les épanchements bruns contenaient aussi du vermillon, ou sulfure de mercure, un autre pigment utilisé notamment par les peintres médiévaux. Enfin, il isola du collagène, un liant utilisé couramment sous forme de gélatine animale pour fixer les couleurs...

Ces substances, absentes des zones vierges du linge, expliquent à elles seules la présence de bilirubine, de porphyrine et d'albumine.

Des stigmates un peu trop parfaits...
La science a donc bien rendu son verdict. Pour autant, les conclusions de McCrone ne sont toujours pas acceptées par la grande majorité des sindonologues,qui arguent notamment de l'absence de traces de pinceau (ce qui peut s'expliquer par la technique du frottis, voire l'usage de peinture très diluée), mais aussi de la finesse et de la justesse des détails des plaies du crucifié, nécessitant des connaissances que ne pouvait avoir un artiste au Moyen Age.

Ainsi, à partir des années 30, Pierre Barbet mena des expériences sur des cadavres et conclut à l'impossibilité de suspendre un homme en croix à l'aide de clous fichés dans les paumes de ses mains : celles-ci se déchireraient sous le poids du corps. Selon le médecin de l'hôpital Saint-Joseph, le seul moyen d'y parvenir serait de les planter au niveau du poignet, à un endroit précis connu sous le nom d'espace de Destot. Un fait que ne pouvaient ignorer les bourreaux romains, la crucifixion étant alors largement répandue. Et comme par miracle, l'homme du linceul semble afficher une plaie au niveau du poignet. Ses mains ne présentent que quatre doigts visibles. Explication de Barbet: la lésion aurait eu pour effet de léser le nerf médian et d'entraîner la rétraction du pouce. CQFD ?


Nullement, car un examen plus attentif de l'image montre que l'emplacement de la plaie se situe bien dans la paume de la main, même si la tache de sang atteint le poignet. Mais ces travaux sur la localisation des clous émis par Barbet font l'objet de discussions au sein même de la communauté des sindonologues. L'un d'eux, Frederick Zugibc, a effectué d'autres expériences montrant qu'une suspension par la paume était parfaitement possible. Dans un article publié par la revue Canadian Society Forensics Science Journal en 1984, ce pathologiste américain rappelle au passage que le nerf médian ne passe pas par l'espace de Destot...

D'autres détails, tout aussi indubitables, doivent être reconsidérés. Les traces de fouet dans le dos, par exemple. Sur la face dorsale, on distingue en effet très nettement regroupées par deux, les marques laissées par les poids en forme d'haltère fixés aux deux lanières du flagrum romain. Michael Baden, un médecin légiste américain, avait déjà expliqué dans les années 80 que les plaies engendrées par ce type d'instrument n'auraient pu être si nettes. Elles auraient d'abord engendré des hématomes, puis déchiré les chairs. Quant à la couronne d'épines, elle n'aurait pu, toujours selon Baden, provoquer des saignements comme observés sur le linceul. Car le sang aurait coagulé dans les cheveux. En d'autres termes, l'image du crucifié est trop parfaite pour être vraie...

De la nécessité de s'en tenir à la science
On le voit, jamais un objet n'a autant suscité l'intérêt de la science, ni donné lieu à tant de publications. Mais alors que celles qui ont remis en cause son authenticité sont systématiquement écartées et leurs auteurs diabolisés, les plus contestables continuent d'être médiatisées et leurs conclusions assénées en dogme.

Aux scientifiques qui, par le passé, avaient fait l'autopsie du Christ à partir de la Passion, le théologien américain Raymond Brown, spécialiste reconnu du Nouveau Testament (4), rétorquait que le principal défaut de leurs études « est qu 'elles ont été faites par des médecins qui ne s'en tiennent pas à leur compétence et permettent à une interprétation fondamentaliste des récits évangéliques d'influer leur jugement sur la cause physique de la mort de Jésus ».

La critique pourrait s'appliquer aussi à la plupart des études portant sur le suaire et notamment aux plus récentes d'entre elles. Mais, regrette Paul-Eric Blanrue,« Il n'est visiblement pas facile de placer sa spécialité scientifique au-dessus de ses croyances ».
Holy Shroud
Science blinded with passion

by Isabelle Bourdial

Just pigments, not blood
Meanwhile, other analyses carried out by the chemist Walter McCrone however made all the light on what contained really the coloured linen fibres. From 1980, this specialist in the ultramicroanalyse published three scientific articles (in particular in the Microscope Magazine) on the subject.


He submitted the samples to a series of tests specific to blood. All proved to be negative. On the other hand, he discovered on the level of the shroud images (on the yellow layout of the man body and on its stains of « blood »), some iron oxide particles, in other words red ochre, but also traces of another dye: the rosy of garance. The brown flows contained also vermilion, or sulphurizes mercury, another pigment used in particular by the medieval painters. Lastly, he isolated collagen, a binder used usually in the form of animal gelatin to fix the colors...


These substances, absent of the blank zones of the linen, alone explain the presence of the bilirubine, the porphyrin and the albumin.

Stigmatas a tiny little bit too perfect...
Science thus well returned its verdict. But, the conclusions of McCrone are not still accepted by the large majority of the sindonologists, who assert in particular absence of brush traces (what can be explained by the technique of the scumble, or even the use of very diluted painting), but also smoothness and accuracy of the details of the wounds of crucified man, requiring knowledge that an artist could not have at the Middle Ages.

Thus, from the 30s, Pierre Barbet undertook experiments on corpses and concludes that it was impossible to suspend a man in cross using nails driven in the palms of his hands: those would tear under the weight of the body. According to the doctor of the Saint-Joseph hospital, the only means to manage it would be to drive them in the level of the wrist, in a precise place known under the name of space of Destot. A fact that could not ignore the Roman torturers, the crucifixion then being largely spread. And, as by miracle, the man of the shroud seems to have a wound on the level of the wrist. His hands present only four visible fingers. Explanation of Barbet: the lesion would have caused to injure the median nerve and to involve the retraction of the thumb. QED ?



Not at all, because a more attentive examination of the image shows than the place of the wound is well in the palm of the hand, even if the bloodstain reaches the wrist. But this work on the localization of the nails studied by Barbet is discussed even within the community of the sindonologists. One of them, Frederick Zugibe, carried out other experiments showing that a suspension by the palm was perfectly possible. In an article published by the magazine Canadian Society Forensics Science Journal in 1984, this American pathologist mentioned that the median nerve does not pass by the space of Destot..

Other details, quite as indubitable, must be reconsidered. Traces of whip in the back, for example. On the dorsal face, one distinguishes indeed very definitely gathered by two, the marks left by twin metal balls in the shape of barbells fixed at the two leather whips of the Roman flagrum. Michael Baden, an American expert in forensic medicine, had already explained in the 80s that the wounds generated by this type of instrument could not have been so sharp. They initially would have generated haematomas, then torn the flesh. As for the crown of thorns, always according to Baden, it could not cause bleedings as observed on the shroud. Because blood would have coagulated in the hair. In other words, the image of crucified man is too perfect to be true...


The necessity of sticking to science
One sees it, never an object did not interested so much science, nor given place to so many publications. But whereas those which called into question its authenticity are systematically dismissed and their authors diabolised, most contestable continue to be mediatized and their conclusions asserted as a dogma.

To the scientists who, in the past, had made the autopsy of Christ starting from Passion, the American theologian Raymond Brovvn, well-known specialist in the New Testament (4), retorted that the principal defect of their studies « is that they were made by doctors who do not stick to their specialty and allow a fundamentalist interpretation of evangelic scriptures to influence their judgement on the physical cause of the Jesus death ».

Criticism could also apply to the majority of the studies carrying to the shroud and particularly to most recent of them. But, regrets Paul-Eric Blanrue, « It is obviously not easy to place its scientific speciality above its beliefs ».


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