FRENCH TEXT

SCIENCE & VIE - N°1054 - Juillet 2005
ENGLISH TRANSLATION

SCIENCE & VIE - N°1054 - July 2005

Saint Suaire
la Science aveuglée par la passion

par Isabelle Bourdial

UNE TECHNIQUE MÉDIÉVALE
PERMET BEL ET BIEN
DE FABRIQUER UN SUAIRE !


L'image impossible... C'est ainsi que les partisans du suaire nomment la relique. Et ils en soulignent le caractère non reproductible, arguant du fait que les diverses tentatives pour exécuter une réplique crédible n'ont abouti qu'à de vagues ébauches peu concluantes. Ceux qui invoquent la nature « surnaturelle » de l'image de l'homme du linceul appuient aussi leur argumentation sur le fait qu'elle résiste à la chaleur, à l'eau et à certains acides. Des arguments qui ne tiennent pas, selon le Dr di Costanzo, du centre hospitalier universitaire de Marseille, un médecin passionné par les énigmes historiques.

1. L'image est tout d'abord réalisée
Est-il possible de copier, le
suaire avec les techniques
d'un faussaire médiéval?
S'inspirant des essais
conduits par Joe Nickell et
Henri Broch, zététiciens
américains et français,
Jacques di Costanzo a utilisé de l'oxyde ferrique
mélangé à de la gélatine
(riche en collagène),
un liant couramment utilisé
au Moyen Age
pour fixer les couleurs.

Un drap mouillé est
appliqué sur le bas-relief.
Après séchage, il est
tamponné avec
la solution colorée.
En présence de notre
journaliste, des empreintes superficielles en "négatif"
du visage sont ainsi
obtenues et leur cliché
en "positif" fournit
des images très proches
de celles du suaire.
Le bas-relief s'est révélé
indispensable pour éviter
la déformation panoramique
de l'empreinte après
étalement du tissu.

Nous l'avons pris au mot et lui avons demandé de réaliser pour nous un faux, en d'autres termes de se mesurer à cette « image impossible ». Jacques di Costanzo s'y est essayé, recourant aux procédés les plus plausibles ou les mieux documentés. En effet, plusieurs techniques ont déjà été expérimentées : pigments photographiques appliqués sur une sculpture exposée à un faisceau lumineux convergent, « vaporographie » avec ammoniaque et aloès, c'est-à-dire combinaison simulant le mélange des vapeurs d'ammoniaque de la sueur du supplicié et de l'aloès dont était enduit le corps des juifs défunts, frottements d'un tissu appliqué sur un bas-relief avec des pigments d'oxyde de fer, etc.

2. Elle résiste aux tests

L'empreinte s'est irréversiblement
fixée aux fibres. Le tissu a résisté
au lavage, au chauffage à 250°C.
Il a aussi été trempé
dans de l'acide citrique
et du bisulfite (qui réduit
l'oxyde ferrique en oxyde ferreux),
et enfin immergé pendant
vingt-quatre heures
dans de l'acide oxalique
(un décapant anti-rouille).
Or, l'image n'a pas été altérée.




Le collagène est bien le liant.
En effet, un échantillon
du même tissu,
imprégné d'oxyde de fer pur,
exempt de gélatine,
ne résiste pas
à l'immersion dans l'eau
ou au contact de l'acide oxalique.
Ses pigments s'y diluent, altérant
les taches colorées. Preuve que
si l'oxyde ferrique s'est lié
de manière irréversible
aux fibres du tissu
de notre "suaire",
c'est parce qu'il a été fixé
par la gélatine.

Dans le laboratoire de pharmacie galénique du professeur Jean-Pierre Reynier de la faculté de pharmacie de Marseille, notre scientifique a d'abord testé le frottement à l'oxyde ferrique, une méthode simple qui aurait pu être employée au Moyen Age.

3. La preuve par défaut

Pour simuler la présence
d'un supplicié,
on utilise la vaporographie.
Cette technique reproduit
les effets d'une réaction chimique
s'opérant à la surface
du corps du supplicié.
Jacques di Costanzo
a appliqué, sur le bas-relief,
une solution d'ammoniaque
à des concentrations de 3 à 5 fois
celle de la sueur humaine,
puis de la teinture d'aloès.


Or, aucune impression
n'a été obtenue par ce procédé,
qu'elle qu'ait été
la séquence d'application
des différents produits,
ni après chauffage de la solution d'ammoniaque
et exposition du tissu aux vapeurs.

Le linceul obtenu devait répondre à plusieurs critères établis en fonction de l'original : son image, monochrome, devait présenter de nombreuses nuances, c'est-à-dire une gradation d'intensité de la couleur; l'impression être superficielle et invisible sur l'envers du tissu (à l'exception des taches de « sang ») sans paraître directionnelle, c'est-à-dire sans présenter de traces de pinceau ; en outre, elle devait résister à la fois à la chaleur et à des acides délayant les couleurs ; enfin, elle devait ressortir en positif sur un négatif photo.

Le résultat ? Il est tout bonnement surprenant (voir-ci-contre) et très, très convaincant. Par ailleurs, le Dr di Costanzo a aussi testé la vaporographie, simulant des réactions chimiques s'opérant sur le corps d'un supplicié. Mais cette fois sans succès (voir p. 120). Il est visiblement plus facile de faire un faux qu'un vrai...

Holy Shroud
Science blinded with passion

by Isabelle Bourdial

A MEDIEVAL TECHNIQUE
INDEED MAKES IT POSSIBLE
TO MANUFACTURE A SHROUD!


The impossible image... Thus the partisans of the shroud name the relic. And they underline the no reproducible character of it, alleging that the various attempts to carry out a credible counterpart led only to vague not very conclusive outlines. Those which call upon the « supernatural » nature of the image of the man of the shroud support also their argumentation on the fact that it resists heat, water and certain acids. Arguments which do not hold, according to Dr. di Costanzo, of the university hospital complex of Marseilles, a doctor impassioned by the historical enigmas.


1. First of all, the image is carried out
Is it possible to copy, the
shroud with the techniques
of a medieval forger?
Taking as a starting point
the tests carried out
by Joe Nickell and Henri
Broch, American and
French zeteticians,
Jacques di Costanzo used
ferric oxide mixed
with gelatin (rich in
collagen), a binder usually
used at the Middle Ages
to fix the colors.


A wet cloth is
applied to the low-relief.
After drying, it is dabbed
with the colored solution.
In the presence of
our journalist, superficial
imprints in "negative"
of the face are thus obtained
and their equivalent
in "positive"
provides images very close to those of the shroud.
The low-relief was
essential to avoid
the panoramic deformation
of the imprint after
spreading out of fabric.

We took him at his word and asked him to produce for us a forgery, in other words to measure himself with this « impossible image ». Jacques di Costanzo tested himself there, resorting to the most plausible processes or best documented. Indeed, several techniques were already tested: photographic pigments applied on a sculpture exposed to a convergent beam of light, « vaporography » with ammonia and aloe, i.e. combination simulating the mixture of the chemical vapors of ammonia of the sweat of the tortured victim and aloe whose the body of the late Jews was coated, rubbings of a fabric applied to a low-relief with pigments of iron oxide, etc.


2. It resists the tests

The imprint was irreversibly
fixed at fibers. The fabric resisted
washing and 250°C heating.
It was also soaked
in citric acid
and bisulphite (which reduces
ferric oxide in ferrous oxide),
and finally immersed during
twenty-four hours
in oxalic acid
(an anti-rust pickling solution).
However, the image was not faded.





Collagen is well the binder.
Indeed, a sample of same fabric,
impregnated of pure iron oxide,
free from gelatin,
does not resist
the immersion in water
or the oxalic acid.
Its pigments are diluted and
deteriorate the colored stains.
Proof that if the ferric oxide
bound in an irreversible way
to fibers of fabric
of our "shroud",
it is because it was fixed
by the gelatin.

In the galenic pharmaceutical laboratory of professor Jean-Pierre Reynier of the faculty of pharmacy of Marseilles, our scientist initially tested friction with ferric oxide, a simple method which could have been employed at the Middle Ages.


The shroud obtained was to answer several criteria established according to the original: its image, monochromic, was to present many nuances, i.e. a gradation of intensity of the color; the impression being superficial and invisible on the back of fabric (except for the « bloodstains ») without appearing directional, i.e. without presenting traces of brush; moreover, it was to resist at the same time heat and acids watering the colors; finally, it was to arise into positive on a negative photo.

The result? It is extremely surprising (see figure) and very, very convincing. In addition, Dr. di Costanzo also tested the vaporography, simulating the reactions taking place on the body of a tortured victim. But this time without success (see p. 120). He is obviously easier to make a forgery than a true shroud...


FirstPreviousNextLastInfo
Pages 118 - 120