Le poids moyen du suaire
Le poids moyen du suaire se situe entre 20 et 23 milligrammes au centimètre carré. Le poids des fragments du suaire utilisés pour la datation au carbone 14 est en revanche de plus de 42 milligrammes au centimètre carré. Mais la radiodatation ne tint pas compte de cette différence flagrante.
Depuis longtemps, le poids moyen du suaire au centimètre carré avait été évalué sur la base des titres de la chaîne et de la trame - c'est-à-dire selon le système de mesures en vigueur dans le commerce -, par le professeur Timossi, expert en matières textiles et par le professeur Gilbert Raes, directeur du laboratoire de technologie des tissus à l'université de Gand. Il avait été calculé « radiographiquement » en 1978 par R.A. Morris, du STURP. Les données se révélèrent concordantes.
Mais si l'on considère que le suaire est un tissu d'origine antique, artisanal et donc présentant de légères irrégularités, il est prudent d'ajouter à la moyenne de ces mesures une tolérance en plus, de 10 pour cent, et donc d'attribuer au poids moyen du tissu la valeur de 25 milligrammes par centimètre carré.
Tableau des poids moyens
(document de Maria Grazia Siliato)
Le prélèvement du fragment de tissu sur lequel devait être effectuée la radiodatation a été intégralement enregistré sur bande vidéo. Cette opération, en présence de nombreuses personnalités intéressées à divers titres, consista à découper un fragment dans le coin supérieur gauche, déjà mutilé par une entaille précédente.
Ce fragment, qui allait devenir célèbre, était un rectangle grossier qui mesurait 8,1 cm x 1,6 cm - et dont la superficie était donc de 12,96 cm2.
La balance de haute précision attribua au fragment un poids de 478,1 mg. Si l'on divise son poids par sa surface (478,1 : 12,96), on obtient un poids de 36,89 mg au cm2, soit 11,89 mg au cm2 de plus que le poids moyen du tissu du suaire.
Mais la personne qui réalisa le prélèvement estima nécessaire « d'ébarber » le fragment, en supprimant quelques irrégularités et fils libres. Il le réduisit donc aux dimensions de 7 x 1 cm, soit une superficie de 7 cm2.
Tableau des poids
(document de Maria Grazia Siliato)
Le poids de la partie du fragment « ébarbé » s'avéra être de 300 mg. Si on divise ce poids par la surface (300 : 7), on découvre que le poids au centimètre carré s'est encore accru : 42,85 mg au centimètre carré, soit 5,96 mg de plus.
Le fragment sur lequel s'opéra la datation au carbone 14 concluant à une origine médiévale pesait donc 17,85 mg au cm2 de plus que le poids moyen de la totalité du suaire qui était de 25 mg au cm2.
Cela signifie que ce fragment était chargé d'une forte quantité de matériau textile étranger au tissu d'origine. A quoi était due cette augmentation considérable de poids ?
De minutieuses et anciennes réparations, et leur poids
Le suaire a subi au fil des siècles de lourdes restaurations. On peut y discerner un véritable catalogue des points de raccommodage : bâti, ourlet, faufilage, surjet, raccommodage proprement dit et point de chaînette.
On voit des ajouts de toile de renfort aux angles, des rapiéçages sur les parties brûlées, on sait que la totalité de la surface du tissu fut doublée avec une toile de Hollande de dimension identique, que l'on fixa grâce à une quantité innombrable de points passant à travers les deux tissus pris ensemble, points qui « se confondent parfaitement avec les fils du suaire », déclarèrent les observateurs.
Points de raccommodage et restaurations du suaire
(document de Maria Grazia Siliato)
Outre les réparations, de larges zones furent renforcées ou même reconstruites à l'aide d'une technique exigeant de la patience et une grande délicatesse, celle du " raccommodage à perte, invisible ", qui consiste en des fils que l'on insère entre ceux de la trame et de la chaîne, coupés à chaque extrémité, sans nœuds, et qui se " perdent " dans le tissu existant.
Tableau des restaurations du suaire
(document de Maria Grazia Siliato)
Le lin méditerranéen du linceul, en raison de sa très ancienne structure artisanale et donc irrégulière, de son calibre assez fort et de son tissage serré en chevrons, intègre particulièrement bien tous les types d'interventions.
Au cours des siècles, la relique fut exposée aux foules pratiquement toujours de la même façon. La forme de la double empreinte obligeait à la présenter horizontalement, entièrement dépliée. La partie où était reproduit le visage était conventionnellement placée à gauche du spectateur pour faciliter la lecture naturelle - de gauche à droite - du long rectangle.
Une gravure reproduisant une ostension du Saint Suaire au XVIIe siècle montre nettement le tissu tenu en main par la bordure supérieure : c'est sur cette bordure que fut prélevé le fragment destiné à la datation au carbone 14. En effet, l'empreinte antérieure du corps est présentée à gauche du spectateur.
Estampe du XVIIe siècle
Ostension manuelle du Saint Suaire
Une autre illustration de 1898 montre le Saint Suaire présenté à la foule de la même manière, les mains le tiennent, sans protection, toujours par le même bord qui fut donc souvent maltraité au cours des siècles, mais garantissent au public la vision la plus logique, parfaite, de l'empreinte du corps vue de face à gauche du spectateur.
En octobre 1976, Riccardo Gervasio avait publié une étude minutieuse sur les restaurations et les réparations subies par le suaire. Il avait lui aussi retrouvé dans les coins supérieurs droit et gauche du suaire des incrustations de tissu avec des surpiqûres et des coutures renforcées en surjet, d'époque médiévale, pour soutenir et partiellement rapiécer l'original qui s'était littéralement effiloché au cours des siècles comme la bordure d'un tapis usé.
Ostension manuelle du Saint Suaire
(image Chessa)
En 1978, R.W. Mottern, R.J. London et R.A. Morris avaient effectué des examens radiographiques de cette partie : ils avaient vu que l'homogénéité du tissu présentait des disparités considérables, des parties de « faible densité » c'est-à-dire effilochées et détériorées, voisinant avec d'autres, d'une « densité » très élevée c'est-à-dire lourdement restaurées : la découverte fut publiée dans les revues scientifiques.
Malheureusement, on renonça à effectuer un prélèvement de fragments de fils provenant de diverses parties du tissu, ce qui aurait évité des mutilations et offert à la radiodatation un « échantillon » véritablement représentatif.
Selon le rapport de l'opérateur du prélèvement, le fragment renforcé « fut ensuite divisé en plusieurs parties, dont trois identiques, d'un poids à peine supérieur à 50 mg, qui furent placées dans trois récipients... ». Cela signifie que sur les 478,1 mg du prélèvement initial seuls 150 mg parvinrent aux trois laboratoires. Ces échantillons étaient pris dans la partie du suaire qui présentait le poids moyen au centimètre carré le plus élevé.
Dans quelle mesure une contamination récente peut-elle perturber les données d'une radiodatation techniquement très soignée ? Les démonstrations effectuées en laboratoire l'expliquent.
Le souvenir visible de nombreuses réparations, les très évidentes discordances de poids, laissent penser à bon droit que les fragments utilisés pour les datations au carbone 14 du suaire par les trois laboratoires sont tous chargés, dans des proportions très variables, de matériaux textiles étrangers et indéterminés.
Effets de « contaminations » récentes sur des échantillons d'âges divers
Les laboratoires d'analyses procèdent habituellement à un nettoyage rigoureux des échantillons destinés à la radiodatation, ils éliminent les impuretés et les corps étrangers, mais les fils de lin de raccommodage, unis à l'original en une structure homogène, ne pouvaient pas être éliminés.
L'entremêlement de matériaux plus jeunes du point de vue de l'analyse par radiodatation - de combien ? douze, quinze, seize siècles ? - a augmenté dans des proportions considérables et imprécises la quantité de carbone 14 résiduel sur les fragments à dater.
Étant donné les résultats de l'opération Fire Simulating Model, et les graves discordances de poids entre les parties d'origine et celles qui avaient subi des réparations, une seule chose est sûre aujourd'hui : personne ne sait véritablement sur quoi la datation au carbone 14 a été effectuée.